Caractérisation 3D haute résolution de la structure du glacier d’Argentière
Caractérisation 3D haute résolution de la structure du glacier d’Argentière par inversion des formes d’ondes
Caractéri-sation 3D haute résolution de la structure du glacier d’Argentière par inversion des formes d’ondes
Les glaciers jouent un rôle fondamental dans le système climatique mondial et constituent une ressource essentielle pour de nombreuses populations dans le monde. Étudier et comprendre leur dynamique et les processus qui les régissent est donc une nécessité scientifique et environnementale majeure, notamment dans le contexte du changement climatique.

Coupe horizontale du modèle de vitesse des ondes S (Vs) reconstruite à l’aide d’une inversion jointe combinant la structure interne du glacier et les mécanismes des icequakes. La coupe est extraite à une profondeur de 30 m sous la surface. L’inversion repose sur des données passives avec une fréquence maximale de 20 Hz. Les points verts indiquent les positions du réseau de capteurs 3-composantes en surface. La carte de couleur représente la distribution spatiale de la vitesse Vs. Les points noirs correspondent à une carte des crevasses de surface obtenue par drone. Comme les crevasses sont partiellement remplies de fluide (eau ou air), une diminution locale de Vs (zones bleues) y est attendue. On observe plusieurs structures bleues alignées avec les crevasses, notamment dans les parties gauche et supérieure, montrant que la structure de ces crevasses a été correctement reconstruite.
Questions et outils mathématiques
Les glaciers contiennent près de 70% des réserves d’eau douce de la planète et occupent une partie considérable de la cryosphère terrestre. En tant que réservoirs naturels, ils alimentent les rivières et les écosystèmes en aval, tout en influençant l’albédo terrestre et la circulation océanique. Cependant, ces masses de glace sont particulièrement vulnérables au changement climatique, et leur fonte contribue directement à l’élévation du niveau de la mer dans de nombreuses régions, menaçant les écosystèmes côtiers et les populations riveraines. Leur compréhension est donc indispensable et s’appuie sur l’étude précise de structures pour lesquelles des mesures sont réalisables.
Dans ce projet, les chercheurs s’intéressent plus particulièrement au glacier d’Argentière et tentent d’approfondir la caractérisation de sa structure à partir de données sismiques 3-composantes, enregistrées par un réseau de capteurs déployé à sa surface pendant 35 jours au printemps 2018.
Jusqu’à présent, les traitements appliqués à ces données restent relativement limités en résolution, en raison des hypothèses simplificatrices sur la propagation des ondes sur lesquelles ils reposent (type d’onde unique, milieux 1D, topographie plate). En alternative à ces approches, les chercheurs souhaitent appliquer des méthodes 3D à haute résolution basées sur l’interprétation des formes d’onde complètes, et évaluer le gain qualitatif qu’elles peuvent apporter à la caractérisation du glacier.
Premiers résultats et perspectives
D’un point de vue mathématique, l’inversion des formes d’onde complètes, ou « full waveform inversion », se formule comme un problème de minimisation sous contraintes d’équations aux dérivées partielles, décrivant la propagation des ondes dans un milieu élastique. Une fonction coût, mesurant la similarité entre les données observées et les données simulées, est minimisée à l’aide d’une méthode de gradient. Ce gradient est calculé via la méthode de l’état adjoint, en corrélant un champ incident, issu de la source, avec un champ adjoint rétro-propagé depuis les récepteurs.
Traditionnellement, les paramètres inversés sont les cartes de vitesses d’ondes 3D, qui décrivent la rhéologie du milieu. Dans ce projet, ces paramètres sont étendus pour inclure également le mécanisme des sources de type icequake détectées dans les données. L’objectif est de réaliser une inversion conjointe de la structure interne du glacier et des mécanismes associés à ces événements, afin d’accéder à une description plus fine de son état mécanique.
La méthode implémentée a permis d’obtenir des résultats cohérents et interprétables, qui ont abouti à collaboration avec les glaciologues de l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE). Les chercheurs ont identifié spatialement la distribution des différents types de mécanismes d’icequakes, permettant de comprendre les contraintes auxquelles le glacier est soumis dans chaque zone, notamment sur ses bords et en aval, où sont détectées des crevasses. Ils ont également reconstruit la structure 3D de certaines de ces crevasses via la reconstruction du modèle de vitesse des ondes S.
Ces résultats constituent une nouveauté dans le monde de la sismologie appliquée à la glaciologie et sont encourageants pour la suite. La prochaine étape du projet consistera à utiliser une gamme de fréquence des données plus élevée afin d’obtenir une reconstruction de la structure plus fine et de poursuivre l’interprétation des résultats avec les glaciologues de l’IGE.
Ce projet a permis le financement de la thèse d’Arthur Grange, qui est intégré au consortium SEISCOPE visant à développer et appliquer des méthodes d’imagerie sismique du sol à haute résolution.