Télédétection hyperspectrale pour l’exploitation soutenable des forêts tropicales

Télédétection hyperspectrale pour l’exploitation soutenable des forêts tropicales 

Télédétection hyperspectrale pour l’exploitation soutenable des forêts tropicales 

Les forêts tropicales françaises abritent une biodiversité exceptionnelle et rendent de nombreux services écologiques, mais elles restent encore peu connues. Pour mieux les comprendre et les préserver, une cartographie détaillée est essentielle. A cette fin, ce projet combine les atouts de la modélisation physique et de l’apprentissage profond.

Données acquises par le CNES en Guyane française en 2016 superposées à des délinéations de couronnes. À gauche, les couronnes collectées sur le terrain (délinéation en rouge) sont superposées à une composition RGB d’une zone de forêt. À droite, une représentation en fausses couleurs (916, 696 et 482 nm) est établie pour cette zone superposée aux délinéation couronnes. A titre d’exemple, les spécimens de Manilkara huberi (Sapotaceae) correspondent aux délinéations en vert.

Questions et outils mathématiques

Pour établir cette cartographie, une méthode prometteuse consiste à observer la forêt depuis le ciel à l’aide d’avions équipés de caméras spéciales capables d’analyser la lumière réfléchie par la canopée. Cette lumière, en fonction de sa longueur d’onde, est réfléchie différemment selon la nature des surfaces observées. Chaque type de matériau, comme une feuille ou un sol, possède ainsi une signature spectrale unique. Afin de capter ces signatures avec précision, des caméras hyperspectrales sont utilisées. Contrairement aux caméras classiques qui enregistrent seulement trois couleurs, le rouge, le vert et le bleu, les caméras hyperspectrales mesurent la lumière dans des centaines de bandes différentes, y compris au-delà du spectre visible par l’œil humain.

Ce type d’observation, appelée « télédétection aéroportée spectroscopique », est utilisée depuis 2005 pour étudier les paysages forestiers tropicaux. Elle permet d’identifier les différentes espèces végétales à distance, en fonction de leur signature spectrale. Cependant, un défi demeure : les modèles développés pour reconnaître les espèces sont souvent difficiles à appliquer dans d’autres contextes, zones géographiques ou périodes, ce qui limite leur généralisation. Cette limite est souvent due au fait que calculer une réflectance est très complexe et que celle-ci peut varier d’un site ou d’une date à l’autre, pour une même espèce. Ce phénomène est appelé « variabilité spectrale ».

Le projet financé par l’iMPT vise à rendre l’identification des espèces plus fiable en réduisant l’impact de la variabilité spectrale, tout en conservant la possibilité de distinguer les différentes essences. L’objectif est d’améliorer la robustesse des modèles d’identification sur l’ensemble des forêts de Guyane. Pour cela, les chercheurs utilisent des techniques d’apprentissage profond dédiées à la stabilisation des réflectances des données hyperspectrales malgré les variations liées au phénomène de variabilité spectrale.

Premiers résultats et perspectives

Dans un premier temps, le travail a consisté à analyser les différentes sources de variabilité qui affectent les signatures spectrales, afin de démontrer l’intérêt d’une représentation plus stable de ces données. Ensuite, ces variations ont été considérées comme des perturbations à corriger dans le cadre de l’apprentissage profond. Cela a permis d’entraîner des modèles capables de produire des représentations à la fois robustes et suffisamment précises pour identifier les espèces de manière fiable. Enfin, une partie plus exploratoire du projet s’est intéressée à l’adaptation de domaine, une approche visant à limiter les différences de réflectance entre les sites d’étude pour améliorer la généralisation des modèles d’identification à l’échelle du territoire.

Les travaux menés ont permis de valoriser les données issues de la campagne d’acquisition LEAF-EXPEVAL menée par le CNES en 2016. Une nouvelle campagne d’acquisition a été réalisée en 2023 conjointement avec l’ANR FEDHER. Cependant, les contraintes liées au temps de traitement des données ont conduit les chercheurs à se concentrer uniquement sur les données de 2016. Par ailleurs, un travail de terrain a été mené dans la réserve naturelle des Nouragues afin d’établir un inventaire des couronnes d’arbres dont l’espèce a été identifiée au préalable. Cet inventaire constitue une référence précieuse pour évaluer la robustesse des fonctions d’identification développées.

Le projet à l’interface entre l’écologie, les mathématiques, la physique et l’apprentissage profond implique plusieurs chercheurs parmi lesquels Colin Prieur (CIRAD), dont la thèse a été financée par l’iMPT.

Modalités et résultats
des appels iMPT

Modalités et résultats des appels iMPT